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Entretien avec Cindy Almeida de Brito (qui joue le personnage de Chimène dans la pièce de Jean Bellorini) dans le Tremblay Magazine d'Avril 2025

Pourquoi faut-il voir Histoire d’un Cid au TLA ?

Certains, dans leur jeunesse, avaient peut-être vu Le Cid de Corneille sans rien comprendre. Ce fut mon cas au lycée : j’avais trouvé la pièce archaïque, alambiquée, triste et ennuyeuse. La mise en scène de Jean Bellorini va réconcilier ces spectateurs avec l’œuvre, car il la rend hautement accessible, y compris pour ceux qui ne la connaissent pas. Il l’aborde en privilégiant l’enfance et la naïveté, en mettant davantage en avant la comédie plutôt que la tragédie. Il raconte l’histoire avec des codes contemporains, intègre l’improvisation et l’humour dans les vers — tout en respectant les alexandrins — qui sont récités de manière plus légère. Il cherche également l’interaction avec le public. C’est une mise en scène moderne, avec des châteaux gonflables où les acteurs courent en habits civils, accompagnés d’une musique électrique. Histoire d’un Cid vulgarise ainsi un monument du théâtre français, dans le bon sens du terme, en le rendant populaire et accessible.

Quelle Chimène jouez-vous dans ce Cid revisité ?

J’essaie d’être une Chimène haute en couleurs. Je m’efforce de la rendre vivante, de simplifier son personnage et de la rapprocher des spectateurs pour qu’ils puissent s’identifier à elle. Ce n’est pas évident de connecter le public à une telle pièce, et c’est tout l’intérêt de notre démarche. Nous avons déjà donné plus de 70 représentations en France depuis l’automne dernier, et, comme les autres acteurs, je continue à explorer tout ce qui peut aller dans ce sens. Jean Bellorini nous y encourage, et c’est formidable. J’évolue comme sur un grand terrain de jeu.

Comment travaillez-vous avec Jean Bellorini ?

J’ai la chance de le connaître depuis une dizaine d’années, la première fois lors de mon passage dans la troupe Éphémère au Théâtre Gérard-Philipe à Saint-Denis. J’y ai joué Antigone de Sophocle. C’est un metteur en scène qui refuse les barrières entre lui, les comédiens et le public. Quelle que soit l’œuvre, il s’attache à la rendre compréhensible par tous. Il veut que les spectateurs se sentent concernés et actifs. Il déteste les artifices, travaille sans préjugés avec les acteurs, cultive un esprit de troupe et un langage commun, tout en laissant à chacun une précieuse autonomie. Il nous encourage à prendre des responsabilités sur scène. Il s’emploie aussi en permanence à « casser le quatrième mur », cette frontière symbolique entre la scène et le public, dans une véritable démarche d’éducation populaire.

Vous avez toujours voulu devenir comédienne ?

J’étais une enfant expansive, qui aimait se mettre en avant et rechercher et ce qui sortait de l’ordinaire. La scène, c’est avant tout une histoire de rencontres. D’abord, en CE2, à l’atelier théâtre de Madame Hugo, où j’ai récité la fable Le Chêne et le Roseau de Jean de La Fontaine lors d’un spectacle. L’image du roseau « qui plie et ne rompt pas » m’a marquée. Ce fut un premier déclencheur. À 18 ans, j’ai intégré la troupe Éphémère, créée par Jean Bellorini à Saint-Denis, et j’y ai joué Antigone. Il m’a fallu un an pour quitter une prépa économique — où mon avenir semblait tout tracé — et me lancer dans le métier de comédienne. Ma mère a compris que c’était là que résidait mon véritable avenir. Je suis alors entrée au Conservatoire national supérieur d’art dramatique. Jean Bellorini m’a soutenue et conseillée ; je lui dois beaucoup.

Pourquoi avoir choisi le théâtre en particulier ?

J’ai un rapport presque viscéral avec le théâtre. J’aime prendre des risques, me mettre en danger, avancer sur un fil, gérer la pression, sentir l’adrénaline monter — comme lorsque je faisais du sport. Si je n’ai pas tout cela dans ma vie, j’ai peur de m’ennuyer.

Quels sont vos liens avec la Seine-Saint-Denis ?

J’ai grandi à Aubervilliers et à Saint-Denis, et j’ai de la famille à Sevran. J’ai ce département dans le cœur, mais je ne me considère ni comme une ambassadrice ni comme une porte-parole. À 28 ans, je ne représente que moi-même, dans cette banlieue où cohabitent tant de réalités différentes. Une chose est sûre : jouer au Théâtre Louis-Aragon de Tremblay, c’est un peu comme retourner dans mon pays natal

Propos recueillis par Frédéric Lombard

Histoire d’un Cid - variation autour du Cid de Pierre Corneille, mise en scène Jean Bellorini. Le 11 avril à 20h30 au Théâtre Louis Aragon. Dès 13 ans.
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