Avec Richard Kolinka (ex-batteur de Téléphone) et le multi-instrumentiste Aristide Rosier, Philippe Torreton lira, le 29 mars, des textes et des poèmes qui interrogent sur le rapport des humains à la nature. Il a répondu à Tremblay Magazine.
Pourquoi ce spectacle Nous y voilà. Quand et comment est-il né ?
Il est né il y a plusieurs années ; Richard et moi avons commencé pendant le confinement. On est voisins ; on a cette chance. J’arrivais avec des textes ; il arrivait avec des percussions. On est voisins à Fontenay-sous-Bois. On a un mur mitoyen. Nous nous étions déjà retrouvés sur un spectacle précédent, Mec, nom d’une chanson d’Allain Leprest ; c’était en 2018. On était trois en scène, Richard, Aristide et moi, pour interpréter des textes d’Allain Leprest. On avait envie de continuer en changeant de textes. Il nous est venu l’idée de choisir des textes qui évoquent la nature à travers des poèmes. J’ai associé des poèmes d’autochtones américains afin d’effectuer un rapprochement avec des poèmes des Indiens. Ces sont des êtres qui vivent dans la nature mais ne se sentent pas au-dessus d’elle. On a pissé ce spectacle comme ça.
A-t-il déjà beaucoup tourné et où ?
On a joué à Paris à la Comédie des Champs Elysées ; on a fait une tournée de deux mois il y a un an. On le reprend pour la présente tournée courte car on avait envie de ne pas le lâcher.
Pourquoi ce titre ?
Il provient d’un texte de Fred Vargas. Nous sommes les êtres humains qui avons entre nos mains notre destin. L’avenir de l’humanité dépend de nous. C’est un phénomène inédit dans l’histoire de l’homme sur terre ; jamais il n’a eu entre les mains la responsabilité des générations futures. Nous, on l’a.
Comment s’est faite la rencontre avec Aristide Rosier ?
Richard avait travaillé avec Aristide ; c’est un musicien et un excellent ingénieur du son ; Richard souhaitait être accompagné par cet artiste pour augmenter la diversité des sons sur scène. Aristide est un grand mélodiste. Il joue claviers, percussions, guitare, guitare japonaise (koto), plein d’instruments très bizarres, parfois anciens, parfois modernes ; c’est un chercheur de sons, de mélodies. Excellentissime !
Sur scène, que se passe-t-il ?
Je ne sais pas ; je peux rapporter ce que le public nous dit : c’est un spectacle qui n’est pas habituel ; il mélange la poésie, la percussion, la musique. C’est comme un long slam d’une heure trente. Ce n’est pas tout à fait chanté ; c’est de la voix en rythmes, de la voix accompagnée par la musique. Les gens nous ont dit que c’est une ode à la nature ; ils ont envie de danser ; ça crée du lien. Chaleur humaine, simplicité, émotions ; les gens sont très émus.
Pourquoi y avoir mêlé des textes d’Indiens d’Amérique du Sud ?
Ils partagent ça avec les grands poètes ; ils ont cet avantage de ne pas se placer au-dessus de la nature ; ils sont respectueux de celle-ci.
Comment avez-vous trouvé ces textes ?
J’en avais certains ; j’ai également fait des recherches thématiques ; je possède énormément de recueils de poésie ; j’ai aussi beaucoup de textes sur les Indiens d’Amérique du Nord ; je suis allé en chercher quelque uns.
Question climat, pensez-vous qu’il y a encore quelque chose à faire ?
À votre avis… On ne peut pas répondre en trois mots…
Vous avez été engagé politiquement pour l’écologie. Est-ce que cet engagement a guidé les intentions de ce spectacle ?
Il n’y a pas un lien direct mais il y a une préoccupation commune. J’ai une inquiétude, un souci du bien commun qui s’est traduit par certains spectacles. C’est comme ça qu’il faut prendre les choses.
Question climat, à qui en voulez-vous le plus : aux hommes politiques ou au capitalisme ?
Je ne sais pas ; j’en veux à cette destinée humaine. Je n’aime pas désigner un coupable. Il est cependant certain que quelqu’un qui est à la tête d’une organisation internationale dispose de leviers qu’un simple citoyen n’a pas. Les temps sont trop urgents pour tenter de désigner un coupable ; certains ont plus de responsabilité que d’autres, c’est sûr. Mais on n’a plus le luxe de chercher. Il faut être dans la solidarité, dans l’entraide, dans l’innovation. Pas dans la scission, pas dans la vindicte.
Le samedi 29 mars, vous allez vous produire au Théâtre Louis Aragon, à Tremblay-en-France. Connaissez-vous cette ville ? Si oui, qu’en pensez-vous ?
Il me semble y être passé mais ça fait longtemps. Avec les tournées, j’accumule pas mal de villes. Je me souviens des lieux quand j’y retourne ; comme ça, je serais incapable de vous dire.
En 1996, vous jouiez dans le film Capitaine Conan, d’après le livre de Roger Vercel. Quel souvenir vous laisse cette œuvre ?
J’ai adoré le livre ; Bertrand Tavernier, réalisateur du film, m’avait dit de lire cet ouvrage que j’ai adoré. Le scénario écrit, par Jean Cosmos, était tellement fidèle ! Ce film a été marquant pour moi. C’est une aventure humaine, une aventure de cinéma ; ça fait presque trente ans. Des gens m’en parlent encore ; il ne se passe pas une semaine sans que des gens me disent que ce film les a marqués ; ça fait plaisir d’accompagner ainsi la vie des gens.
Que préférez-vous : jouer au théâtre ou au cinéma ?
Ce sont les beaux projets qui me conviennent. J’aime me retrouver avec des gens que j’aime bien ; des gens littéraires, cinématographiques. Ce sont les projets qui m’intéressent ; que ce soit sur des planches ou derrière les caméras. Tous les projets, quand on veut faire bien les choses, sont compliqués. J’aime les gens ; je recherche les relations humaines.
Vous lisez beaucoup. Quels sont vos goûts littéraires ?
C’est le récit qui m’intéresse ; la poésie aussi. Je suis en train de lire Les Cahiers d’Alter ; d’un point de vue littéraire, c’est un témoignage ; une plongée dans les camps de concentration. Un témoignage essentiel. J’aime également Ronsard, Rimbaud, Lamartine. La fiction me passionne moins ; j’aime le roman quand il est proche de la réalité. Mais spontanément, je vais vers les récits ; peut-être parce que je baigne dans la fiction. J’aime les journaux intimes. J’ai adoré la biographie de Lamartine écrite par Stefan Zweig.
Quels sont vos projets ?
Je suis sur deux projets de livres (un récit et une fiction qui pourrait être un récit) et je tourne un spectacle, Le Funambule de Jean Genet, que j’ai mis en scène. J’ai commencé à le jouer en octobre dernier.
Propos recueillis par François Milan